La récolte de données est lancée avec S3PWeb!

– Patrick Pelé –

Compiler les données sociales et techniques, les mettre en forme et les transmettre à un logiciel d’analyse tiers, existant dans le système du transporteur, tel est le principe de S3PWeb. Très concrètement, le transporteur breton Patrick Pelé explique l’implémentation de la solution dans son informatique. Avec deux principes : rester maître de ses données, et les partager en toute sécurité pour gagner en compétitivité.

Plus qu’un stratège, Patrick Pelé se définit lui-même comme un rêveur. Il caresse l’idée d’une traçabilité pour tous. Et d’un flux de données maîtrisé, au bénéfice de sa propre exploitation, mais aussi partagé en toute sécurité, au service de ses clients. Le patron de transport est à la tête d’une entreprise familiale bretonne, des flottes Patrick Pelé à Saint Urbain (29), Gendron à Etrelles (35) et Guivarc’h à Bodilis (29), qui totalisent 130 moteurs. Mais l’homme est aussi Président de France Groupement, une organisation professionnelle qui depuis cinquante ans, fédère les groupements et les coopératives du transport. Sur le plan collectif, son rêve pourrait se propager très loin, et toucher nombre de confrères, dans une démarche quasi révolutionnaire sur le plan informatique. Lorsqu’on entre dans son bureau de Bodilis, on ne peut manquer le bonnet rouge épinglé sur le mur de droite. Mieux qu’un souvenir, un état d’esprit qui fleure bon la liberté ! 

Les transports Pelé utilisent la protection des données avec S3P

Patrick Pelé accompagne l’aventure H2P en tant qu’actionnaire du groupe informatique, depuis les premiers pas de la bourse de fret B2PWeb. Il est aujourd’hui l’un des fers de lance de S3PWeb, une nouvelle solution d’agrégation de données mise en place par les transporteurs et pour les transporteurs.

Le principe de S3PWeb : collecter, formater, stocker des données issues de systèmes hétérogènes, puis les réintégrer dans un ou des logiciels existants dans une exploitation. Mi-décembre 2018, Patrick Pelé fut le premier signataire de S3PWeb. La solution sera d’abord déployée chez les transports Guivarch, à la tête de 80 poids lourds, avant de couvrir les Transports Pelé et Gendron (25 camions chacun),  au fil des renouvellements.

La société S3PWeb étant installée à Brest, à deux pas du siège de Pelé, le transporteur et son éditeur ont naturellement travaillé ensemble dès la genèse du projet. « Au départ, l’idée était plutôt de voir comment suivre et récupérer les données des camions non équipés d’informatique embarquée, donc essentiellement des véhicules de location, des affrétés. De fil en aiguille, nous avons décidé de pousser la logique plus loin, en nous séparant des boîtiers de seconde monte pour n’utiliser que l’informatique constructeur de série », relate Patrick Pelé, qui explique la stratégie de H2P : «Nous développons la solution S3PWeb dans la même logique collaborative qui a fait notre succès sur le marché de la bourse de fret (B2PWeb), puis de la gestion documentaire (GedTrans) et de la traçabilité des livraisons (GedMouv) : impliquer pleinement les groupements de transport, et les indépendants, et s’approprier, croire en un projet ambitieux mais réalisable. Bien sûr, comme dans toute genèse de projet, certaines entreprises sont plus actives que d’autres. Mais quand on veut, on peut ! On en a déjà fait la preuve.»

Protéger sa valeur ajoutée

L’enjeu est double : rester maître de ses données, et devenir capable de les partager en toute sécurité. Donc s’assurer que les fichiers ne puissent pas être réexploités à des fins commerciales. «Nous développons un métier de services, dont la qualité passe aujourd’hui par la maîtrise des informations, rappelle Patrick Pelé. Depuis une quinzaine d’années, nous travaillons avec un grand nombre d’outils informatiques, des logiciels de transport (TMS) et de logistique (WMS), de l’informatique embarquée, des solutions de gestion sociale, des véhicules connectés à tous les niveaux. Devant la montée en puissance de multiples spécialistes informatiques, de nouvelles plateformes d’intermédiation, et d’acteurs globaux tels qu’Amazon, nous n’avons d’autre choix que de prendre les choses en main. » Et d’affirmer un positionnement déterminé : « La sauvegarde de notre valeur ajoutée informatique est sans doute le challenge le plus important des années à venir pour les entreprises de transport».

L’idée de base de S3PWeb est donc de compiler l’ensemble des données sociales et techniques, et de restituer ces fichiers dans un format exploitable, aussi simple que possible. «De la géolocalisation des véhicules aux heures de conduite en passant par toutes les informations de roulage et de consommation, nous visons une traçabilité totale ! Un exemple significatif : S3PWeb va nous permettre d’avoir une vision homogène de notre propre flotte et des véhicules affrétés, réguliers ou ponctuels. Nous pourrons suivre un camion de location en temps réel. Il nous suffira de nous connecter à la plate-forme S3PWeb, elle-même en lien avec la marque du véhicule en question.»

La traçabilité agile

Un second objectif de S3PWeb est, en effet, de proposer une solution de type coffre-fort numérique à la profession pour pouvoir échanger des données entre les entreprises, sachant que tout transporteur est potentiellement sous-traitant pour un autre. Il s’agit de permettre à un patron de flotte de choisir quelles données il souhaite partager, avec quels partenaires et sur quelle période.

Très concrètement, ces fonctions ouvrent un nouveau champ commercial aux transporteurs. Ceux-ci pourront intégrer de manière transparente dans leur exploitation des matériels en location courte ou longue durée, qu’il s’agisse de tracteurs ou de semi-remorques, ou encore, des véhicules prêtés par un concessionnaire. Le gestionnaire de flotte verra apparaître un poids-lourd temporaire sur son portail habituel, sans avoir à jongler entre plusieurs écrans.

En pratique, il suffira que le loueur fasse activer la télématique sur le poids-lourd identifié par son immatriculation, pour que ce dernier soit communicant. Ensuite, le loueur inscrira le véhicule sur le portail S3PWeb. Lorsqu’il confiera celui-ci à un transporteur, il renseignera la mise à disposition sur le portail S3PWeb, en précisant le champ de collecte des données (géolocalisation, données sociales et techniques…), et la durée du contrat, de telle date à telle date. Le camion deviendra alors visible sur l’outil cartographique du transporteur ! Cette évolution technologique promet d’offrir beaucoup plus de souplesse opérationnelle aux transporteurs pour aller chercher de nouveaux contrats sur la base d’une traçabilité inédite.

Sur le même principe, lorsqu’un transporteur A travaille pour une seconde entreprise B, il met à disposition de son donneur d’ordres un véhicule mais aussi une traçabilité. Il autorise B à collecter les informations d’un ou plusieurs véhicules le temps d’une traction. Le sous-traitant A sélectionne le type de données qu’il souhaite partager avec B. A priori, il est hors de question qu’il transmette les données sociales ou la géolocalisation en temps réel, sauf peut-être dans le cas particulier d’un véhicule dédié à B. En revanche, il va communiquer les paramètres permettant l’ETA (heure estimée d’arrivée), afin que B puisse en informer son client et son destinataire.

Un déploiement rapide

Le rêve de Patrick Pelé se transforme ainsi en  une stratégie à court ou moyen terme : que tous les clients du groupe puissent accéder automatiquement à des informations concises, quels que soient les véhicules en action. «S3PWeb va nous aider à agréger tous les périphériques de l’entreprise, reprend ce personnage clé du transport en France. A mon sens, le développement de l’agrégateur va être très rapide, peut-être même plus rapide que la mise en route de la bourse de fret. En effet, les mentalités sont beaucoup plus matures qu’il y a 10 ans. Les jeunes entrepreneurs sont tournés vers l’analyse, la rentabilité, l’industrialisation du transport… A l’exemple de mes fils, ils ont bien compris que l’information est vitale !»

Et de prévoir un déploiement généralisé sous deux ans, avec un argument fort : des économies substantielles sur l’informatique embarquée de deuxième monte. «Nous sommes acheteurs de véhicules, et pesons d’un certain poids lorsque nous sommes regroupés. La plupart des fournisseurs, d’ores et déjà, ont choisi de collaborer. Ils y ont  intérêt s’ils veulent fidéliser leur clientèle. L’ensemble des constructeurs de poids lourds remettront aux entreprises de transport les données collectées. Demain, l’achat d’un véhicule ou d’un équipement inclura vraisemblablement l’accès aux informations du client. Car il n’est pas question que ces infos stratégiques partent dans la nature, ni qu’elles nous soient revendues à prix d’or. Il s’agit de nos conducteurs, de notre exploitation donc de nos données. C’est notre atout majeur», estime Patrick Pelé.

S3PWeb peut s’interfacer avec les logiciels de transport et l’informatique embarquée, mais aussi avec les fabricants de groupes frigorifiques et d’essieux, les systèmes de freinage connectés, etc. «La collecte sera globale, promet Patrick Pelé. Sur le plan des données frigorifiques par exemple — une activité importante des transports Pelé et de notre filiale Gendron— il est stratégique de piloter finement les choses pour servir le marché pharmaceutique. Et cela pour un coût acceptable…»

Une brique centrale : le TMS

Le principe de S3PWeb étant de mettre à disposition un maximum d’informations sur l’interface la plus favorable à une entreprise cliente, il faut expliquer l’organisation concrète des flux digitaux dans le système existant du transporteur. En pleine transition informatique, le groupe Pelé vient d’homogénéiser ses trois entités en adoptant le TMS (système de gestion du transport) Exellium de l’éditeur Item informatique au premier trimestre 2019. Il va maintenant procéder pas à pas… «Le TMS constitue la brique centrale de notre système d’information. Il pilote l’ensemble des flux, explique Yann Quémener, illustrant ses propos par un schéma récapitulatif des interfaces réalisées. La plus grande partie des données provient de S3PWeb. Il s’agit, en particulier, de toutes les informations du terrain collectées en temps réel. Nous commençons par intégrer les données sociales et de géolocalisation, assorties des confirmations de livraison qui sont utiles à nos clients et à la facturation. Dans un second temps, S3PWeb va nous transmettre toutes les données techniques des véhicules, afin d’optimiser les consommations et la maintenance.»

Intégration sociale

Sur le plan social tout d’abord, S3PWeb collecte les données, mais il ne les traite pas. Via le chronotachygraphe connecté au boîtier communicant, il récupère, par exemple, les durées de conduite, de repos, les coupures. Il ne s’agit pas d’une transmission filaire, mais d’une communication entre deux plates-formes via Internet. Pour bien comprendre le cheminement, S3PWeb collecte les données sur la plate-forme Internet du constructeur, il les sécurise, et les remet en forme pour qu’elles apparaissent sous un format exploitable par le logiciel récepteur. À l’instar de l’exportation d’un tableau Excel dans une autre application, les lignes et les colonnes doivent correspondre pour être automatiquement comprises, dans un ordre identique. En quelque sorte, S3PWeb range les données dans les bonnes cases pour un éditeur donné. 

Chez Patrick Pelé, S3PWeb transmet ces informations à un logiciel tiers, en l’occurrence l’application de gestion sociale TimeDisk/TimeWeb d’OMP qui va les analyser pour en déduire des temps de service.  «Nous avons adopté ce logiciel, interfacé à S3PWeb, dans nos trois structures, précise Patrick Pelé. Nos exploitants apprécient cet outil, et nous leur avons fait confiance. D’autres entreprises feront des choix logiciels différents, en fonction de leur historique et de leur métier. Et c’est très bien comme ça. Nous n’avons pas le projet de mettre tous les transporteurs dans le même moule informatique, mais plutôt de faciliter le travail de chacun.» Timedisc traite donc les positionnements et les temps de parcours et de services, qu’il cumule pour les présenter sur un graphique ou une cartographie au gestionnaire de flotte. De surcroît, il s’accouple avec l’application RH du transporteur pour prendre en compte les congés payés, les absences, etc., et définir un temps de service global, une mise à disposition réelle des conducteurs.

Mener une politique d’écoconduite

Même logique concernant les données moteur. Un logiciel récepteur est nécessaire. Patrick Pelé prévoit de s’appuyer sur S3PWeb pour aspirer les données techniques des véhicules en direction du logiciel de gestion de flotte et d’analyse de la conduite d’OMP/Eliot. «En termes de coût, l’idée n’est pas vraiment de réduire le budget informatique, mais plutôt d’être plus efficace à moyens égaux, précise-t-il. Nous allons gagner sur les achats de boîtiers, puisque nous n’équiperons pas les nouveaux véhicules. Cette économie va nous permettre d’investir dans une connexion globale des camions. Aujourd’hui, les forfaits de collecte varient beaucoup selon les marques. Nous espérons les réduire au fur et à mesure du déploiement de S3PWeb. À l’avenir, il est évident que le prix de la mise à disposition des données sera un critère de choix important lors de l’achat d’un véhicule industriel, au même titre que les performances du matériel.»

Le transporteur compte ainsi affiner l’analyse des consommations en fonction d’un ensemble de plus en plus complexe de données opérationnelles.

«Aujourd’hui, avec l’informatique embarquée, nous considérons le litrage en fonction du kilométrage et du temps de conduite essentiellement, détaille Yann Quémener. Demain, nous prendrons aussi en compte le nombre de freinages et les coups brusques, l’utilisation de la boîte de vitesses et de l’inertie du véhicule ; mais encore le poids et la répartition du chargement, la typologie du parcours, la pression des pneumatiques, etc. Notre formateur a besoin de tous ces éléments pour juger de la qualité d’une conduite en toute objectivité et ne pas incriminer uniquement les conducteurs en cas de surconsommation. Car la réalité est souvent plus complexe qu’elle n’y paraît. Par exemple, il peut être intéressant d’analyser les causes d’une huile moteur en surchauffe, afin d’identifier une pièce défectueuse dans une démarche de maintenance préventive.»

 In fine, l’objectif est d’obtenir une analyse claire face à une consommation excessive et mener une politique d’écoconduite efficace auprès des conducteurs. Les constructeurs de poids lourds sont bien sûr déjà capables de remonter et d’analyser sur leur plate-forme l’ensemble des données moteurs dans le détail. Mais chacun le fait sur sa propre interface, selon sa propre représentation. Lorsqu’il utilise plusieurs marques de poids lourds, le transporteur a besoin d’homogénéiser ces éléments pour pouvoir réellement les exploiter. C’est à cette condition qu’il peut optimiser l’ensemble de sa flotte et mener une politique de réduction du carburant globale. «Aujourd’hui, sur la base de rapports disparates, notre formateur mène une analyse manuelle, et laborieuse, développe Yann Quémener. L’objectif est donc d’automatiser une partie de son travail pour le simplifier et lui permettre de se concentrer sur les cas les plus litigieux.» 

Cela étant, tous les transporteurs n’auront pas forcément besoin des mêmes données, ni du même type d’analyse, en fonction de leur parcours et des types de marchandises qu’ils transportent. C’est pourquoi S3PWeb doit effectuer une collecte sur mesure en collaboration avec les éditeurs de logiciels, dont les spécificités applicatives sont aussi nombreuses que les métiers du transport !

©Wilfried Maisy

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